Exonération de taxe foncière des passes à poissons : un premier cas dans le Tarn

Publié le 21 août 2019 | Actualités

Fiscalité
  • socials
  • socials
à retenir

Nous invitons les producteurs souhaitant initier une démarche d’exonération de taxe foncière de leur passe à poissons à adresser leur demande en s’appuyant sur l’argumentaire mis à disposition par le syndicat.

Nous comptons sur vos retours d’expériences pour faire évoluer cette note.

Des aménagements environnementaux lourds de conséquences pour les exploitants

Au titre de la Loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) de 2006, les ouvrages situés sur des cours d’eau classés en liste 2 sont dans l’obligation de réaliser « des travaux d’aménagements environnementaux pour assurer la circulation des poissons migrateurs et le passage des sédiments ».
Sur les 15 000 ouvrages situés sur des cours d’eau classés en liste 2, moins de 10 % sont des centrales hydroélectriques. Cela représente environ 1500 centrales hydroélectriques sur les quelques 2300 centrales que compte la France, soit plus des 2/3 du parc installé.
Ces travaux consistent généralement à construire ou rénover des passes à poissons, des plans de grilles, des exutoires de dévalaison, etc. Ils conduisent les exploitants à réaliser de lourds investissements sans rentabilité sur leurs centrales hydroélectriques, de l’ordre de 300 000 à 500 000€ en moyenne, selon la configuration de la centrale et les exigences de l’Agence Française de Biodiversité, des DDT et parfois même des Agences de l’eau. Ces travaux peuvent être partiellement aidés financièrement par les Agences de l’eau, à hauteur de 30 ou 60% sous conditions.
Imposés aux exploitants, comme à tous les propriétaires d’ouvrages en rivières classées en liste 2, ces travaux environnementaux génèrent des pertes de production d’énergie permanentes et irréversibles et des charges d’exploitation supplémentaires avec des coûts de maintenance accrus.
Conséquence supplémentaire et inattendue de ces travaux : ces passes à poissons réalisées en béton, et dans une moindre mesure les plans de grille, conduisent à un surcoût de taxe foncière et des contributions économiques territoriales (CET) pour les exploitants qui peut tripler, voir quadrupler, pouvant mettre en danger l’équilibre économique de ces petites installations.
Après plusieurs années de tentative d’amendement infructueuses par les acteurs de la filière dont le syndicat national France Hydro Electricité, la loi de finance 2019 (LOI n°2018-1317 du 28 décembre 2018 – art. 172) prévoit enfin un article 1382 G dans le code général des impôts rédigé ainsi :
« Les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre peuvent, par délibération prise dans les conditions prévues à l’article 1639 A bis, exonérer, pour la part de taxe foncière sur les propriétés bâties qui leur revient, les parties d’une installation hydroélectrique destinées à la préservation de la biodiversité et de la continuité écologique. »

La commune de Guitalens-L’Albarède (81), première commune à exonérer une passe à poissons de taxe foncière

La centrale hydroélectrique de Guitalens, d’une puissance de 500 kW, est installée depuis 1968 sur les rives de l’Agout à Guitalens-L’Albarède (81), rivière classée en liste 2. Elle produit l’équivalent de la consommation annuelle de 600 personnes en énergie propre et renouvelable, permettant ainsi d’éviter le rejet de 850 tonnes de CO2 par an. Cette énergie de proximité est stable et prévisible, et s’inscrit comme un complément indispensable à l’intégration dans le réseau des autres énergies renouvelables plus variables comme le solaire ou l’éolien. La centrale hydroélectrique emploie par ailleurs un agent local d’intervention et génère un revenu annuel pour la commune en taxe et redevance de l’ordre de 1700 €.
Conformément à la loi sur l’eau, la société familiale propriétaire de la centrale démarre en 2012 un dossier de travaux de mise en œuvre de la continuité écologique qui consistent essentiellement en la construction d’une passe à poissons. Rapidement, le cahier des charges de ces travaux est révisé par l’Agence de l’Eau Adour Garonne qui préconise la rectification du plan de grille ainsi que la création d’exutoires de dévalaison. La réalisation des travaux débute en 2017 pour un montant total d’aménagement du moulin de 270K€ financés en partie par emprunt et grâce l’aide d’une subvention versée par l’Agence de l’Eau.
Achevés en 2018, ces travaux environnementaux génèrent pour la société familiale un surcoût prévisionnel des contributions économiques territoriales et de taxes foncières de l’ordre de 15 000 euros, conduisant la société à un résultat négatif sur les 12 prochaines années et mettant en danger l’équilibre économique de la centrale.

Craignant pour la pérennité de son entreprise, la société familiale a sollicité le Maire de Guitalens-l’Albarède pour que la ville apporte son soutien à la centrale hydroélectrique et renonce à percevoir le montant de taxe foncière supplémentaire relatif aux aménagements environnementaux de la centrale (soit un montant d’environ 3 500€ pour la commune), comme le prévoit l’article 1382 G de la loi de Finance 2018. Après délibération du conseil municipal, la commune a validé cette demande.

Raymond Gardelle, Maire de Guitalens-l’Albarède
« En tant qu’élu et citoyen, je suis conscient de la valeur de la petite hydroélectricité comme énergie propre et renouvelable. J’estime qu’il n’y a pas lieu de taxer un investissement non productif, qui plus est imposé au producteur, et réalisé dans l’intérêt collectif. C’est pourquoi j’ai défendu auprès du Conseil Municipal la suppression de taxe foncière relative aux aménagements environnementaux de la centrale de Guitalens dans le but de pérenniser cette production d’énergie sur notre territoire ».

France Hydro Electricité salue la démarche de la commune de Guitalens-L’Albarède qui témoigne de son soutien à la production d’électricité renouvelable locale et rend hommage aux efforts réalisés par le propriétaire de la centrale hydroélectrique en faveur de l’environnement et de la biodiversité sur son territoire.

La même démarche a été initiée par la société familiale auprès de la communauté de commune et du département qui, en complément de la commune, perçoivent également le bénéfice des taxes foncières.

Ces démarches sont actuellement toujours en cours.

Producteurs, initiez une demande d'exonération de la taxe foncière de votre passe à poissons

France Hydro Electricité a également initié, à l’usage de ses adhérents producteurs, une fiche de synthèse des arguments à faire possiblement valoir auprès de vos interlocuteurs au niveau des communes, département ou région. Celle-ci sera complétée au fil des retours d’expériences que vous voudrez bien partager.

En effet, rappelons que cet impôt local profite à l’Etat, aux départements et aux communes, ainsi qu’aux intercommunalités le cas échéant.

L’Etat ne taxe pas à proprement parler la propriété foncière. Son rôle est néanmoins déterminant puisque c’est à lui qu’incombe la revalorisation des valeurs locatives, c’est-à-dire l’augmentation annuelle des bases imposables. De plus, l’Etat récupère malgré tout une partie de la taxe foncière, à savoir les frais de gestion pour l’envoi et le traitement des avis d’imposition, égaux à 3% du montant brut de l’impôt.

Nous vous invitons à nous faire remonter vos expériences en la matière pour aider à populariser ces initiatives vertueuses mais encore trop isolées.

Mots clefs : continuité écologique, passe à poissons, taxe foncière, fiscalité