Loi climat : la destruction de seuils est interdite dans le cadre de la restauration de la continuité écologique

Publié le 18 juin 2021 | Réservé adhérents

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Dans le cadre du débat sur le projet de loi climat et résilience, l’Assemblée nationale a adopté début avril un article qui vise à écarter la destruction des retenues de moulins des solutions possibles pour les mettre en conformité au titre du L.214-17-2°.

Après de longs débats, et contre l’avis du gouvernement, le Sénat a définitivement adopté jeudi 17 juin l’article tel que les députés l’ont voté. Ainsi, l’article ne pourra plus être retouché en commission mixte paritaire ni, en cas d’échec de celle-ci, en seconde lecture à l’Assemblée nationale.

Il s’agit du troisième revers pour la direction de l’eau du ministère de la transition écologique depuis le début de l’année, après l’annulation par le Conseil d’Etat de l’article 1 du décret « Obstacle » le 15 février 2021 en janvier (lire Flash info 77) et la censure par le Conseil d’Etat de l’interprétation de l’article L 214-18-1 du Code de l’environnement par la direction de l’eau (lire Flash info 79).

Ceci sous réserve, comme nous le rappelle Me JF Remy, que ne soit pas réalisée une saisine du Conseil Constitutionnel sur ce texte, et qu’il ne soit pas considéré à cette occasion qu’il y aurait méconnaissance du principe de non-régression environnementale (qui pour l’instant n’a qu’une valeur légale, et non constitutionnelle …).

L'Assemblée Nationale vote un article visant à cesser le financement de "casse" des moulins

Au terme d’un débat acharné, l’Assemblée Nationale a adopté début avril – contre l’avis du gouvernement et de la rapporteure – pas moins de 29 amendements similaires pour faire barrage au financement de la destruction de retenues de moulins à eau, dans le cadre des obligations de franchissement des poissons et du transport de sédiments. De nombreux députés de tous bords, y compris dans les rangs de la majorité, sont montés au créneau pour défendre les moulins de leur circonscription.

La loi n’a effectivement jamais imposé la destruction des ouvrages. C’est pourtant la voie privilégiée par l’administration de l’eau pour rétablir la continuité écologique. En effet, les agences de l’eau subventionnent à 100% les destructions de seuil et seulement à 40 ou 50% les passes à poissons. Cet article, introduit par amendement des fédérations de moulins, vise donc à interdire la faculté pour l’administration de détruire des seuils, seule parade efficace à leurs yeux pour stopper le chantage aux subventions.

Le Sénat confirme la position des Députés et clôt les débats

Suite aux travaux en commissions et à la pression du gouvernement, le rapporteur de la commission du développement durable avait proposé une rédaction alternative, revenant sur l’interdiction de détruire un seuil de moulin et proposant la mise en place d’une procédure de médiation ou de concertation.

Le Gouvernement, par la voix de la Ministre Barbara Pompili, s’est exprimée en faveur de cette nouvelle rédaction de l’article 19 BIS C  » : La rédaction élaborée par votre commission est bien plus équilibrée : elle permet de conserver les ouvrages tout en rendant possible des travaux en cas d’accord des acteurs concernés. C’est un point d’équilibre qui fait honneur au débat parlementaire. Rajouter une médiation pourrait également être intéressant. »

Elle s’est exprimée en faveur de ce compromis et a mis les sénateurs en garde sur une mesure qu’elle juge comme une régression environnementale. Elle a ensuite ajouté que « le dispositif de l’Assemblée nationale ne prévoit aucun moyen de réagir en cas de régression environnementale avérée » et que « divers députés de tous bords lui auraient dit qu’ils comptaient sur le Sénat pour améliorer la rédaction de l’article » (comprendre « revenir sur l’amendement voté par eux).

Plus tard elle s’est engagée à ne pas supprimer cet article (celui qui prône la médiation mais permet la destruction des moulins) en CMP. « Si celle-ci échoue, nous défendrons cette position en nouvelle lecture. Vous ne prenez donc aucun risque en votant le dispositif de la commission. Attention aux régressions environnementales ! » a-t-elle ajouté.

Jeudi 17 juin, en première lecture du projet de loi climat et résilience, le sénateur Guillaume Chevrollier (LR, Mayenne), auteur du rapport d’information « Rompre avec la continuité écologique destructive : réconcilier préservation de l’environnement et activités humaines » s’est exprimé en faveur d’un rétablissement de l’article dans sa version votée par l’Assemblée Nationale avec son « principe de non-destruction des moulins à eau » qui offrait un « un degré de protection supérieur pour les propriétaires de ces ouvrages. Un vote conforme permettrait d’engager une politique de continuité écologique plus apaisée ».

Plusieurs sénateurs se sont exprimés en séance pour défendre la préservation du patrimoine hydraulique des moulins, c’est le cas en particulier de JP Sueur, JP Moga, JP Corbisez, G Chevrollier, D Grémillet, N Goulet, S Primas.

Certaines interventions ont été déterminantes :

Nathalie Goulet (UC, Orne) a rappelé que « la pratique parlementaire a prouvé qu’il vaut mieux tenir que courir. Quand il y a une médiation, il y a un risque. En outre, la position des administrations varie d’un territoire à l’autre. »

Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques (LR Yvelines), s’est également exprimée « Voilà des années que nous attendions cette disposition pour les moulins. La rédaction de la commission met la médiation au centre du dispositif, mais l’amendement de M. Chevrollier offre plus de garanties. Nous serons ainsi certains d’avoir avancé et d’avoir une base juridique ». Elle a ensuite invité la Ministre à inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale la proposition de loi de Daniel Gremillet.

Pascal Martin, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (UC Seine Maritime), a salué le rapport de M. Guillaume Chevrollier et le travail de Mme Laurence Muller-Bronn sur la proposition de loi de M. Daniel Gremillet relative à la petite hydroélectricité. Il a dit que la commission était sensible à la question des moulins à eau, que l’article voté à l’Assemblée nationale est juridiquement plus fragile que la rédaction de la commission mais que certains s’inquiétaient toutefois d’une éventuelle suppression de l’article en CMP… et conclut son intervention en s’en remettant à la sagesse du Sénat.

Après une interruption de séance c’est Didier Mandelli, Vice-Président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (LR Vendée) qui a éclairé la position de la commission et de la majorité sénatoriale en leur demandant de voter l’amendement de Guillaume Chevrollier (le même que celui adopté à l’AN). Il a également invité le gouvernement à inscrire la proposition de loi de Daniel Gremillet à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale.

C’est  ainsi que contre l’avis du gouvernement et du rapporteur, les sénateurs ont finalement adopté la rédaction initiale de l’article 19 bis C :

« Le 2° du I de l’article L. 214-17 du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° La seconde phrase est complétée par les mots : « , sans que puisse être remis en cause son usage actuel ou potentiel, en particulier aux fins de production d’énergie » ;

2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « S’agissant plus particulièrement des moulins à eau, l’entretien, la gestion et l’équipement des ouvrages de retenue sont les seules modalités prévues pour l’accomplissement des obligations relatives au franchissement par les poissons migrateurs et au transport suffisant des sédiments, à l’exclusion de toute autre, notamment de celles portant sur la destruction de ces ouvrages. » »

Deux amendements du Sénateur Gremillet adoptés par le Sénat

Le Sénateur des Vosges Daniel Grémillet a déposé le 25 février une proposition de loi “tendant à inscrire l’hydroélectricité au cœur de la transition énergétique et de la relance économique”. Cette proposition de loi a été adoptée au Sénat le 13 avril.

Deux amendements au projet de loi Climat et Résilience,  issus de la proposition de loi du Sénateur Grémillet viennent d’être adoptés par le Sénat (en Commission des affaires économiques).