L’intérêt à agir d’un requérant contre un arrêté préfectoral d’autorisation de production hydraulique

Publié le 20 novembre 2020 | Fiches thématiques

Juridique
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à retenir

Le Conseil d’Etat vient de préciser, dans un arrêt n° 424192 du 28/09/2020, l’intérêt à agir d’un producteur d’énergie hydraulique contre un arrêté préfectoral renouvelant pour 40 ans le règlement d’eau d’une entreprise hydroélectrique concurrente installée sur le même cours d’eau.

Par Bernard Kieffer, référent juridique de France Hydro Electricité

Les faits

En 1959 l’Etat a concédé à EDF l’aménagement et l’exploitation de 16 microcentrales sur la Mayenne. En 2004, l’autorisation d’exploiter ces centrales a été transférée à la SHEMA, filiale d’EDF. En 2010, le même préfet a renouvelé pour 40 ans le règlement d’eau applicable à ces centrales exploitées par la SHEMA. Une entreprise hydroélectrique concurrente, la société Socardel, installée également sur le Mayenne, a demandé au juge administratif d’annuler l’arrêté du préfet de la Mayenne de 2010 et de la rétablir dans sa priorité de débit pour l’exploitation de ses deux ouvrages hydroélectriques.

Le Tribunal administratif de Nantes, puis la Cour d’appel administrative (CAA) de Nantes ont rejeté cette requête.

Le Conseil d’Etat a jugé, au contraire, qu’elle devait être examinée, en considérant :

  • qu’un établissement industriel ou commercial (ici, la société Socardel) peut contester une autorisation administrative accordée à un tiers (ici, l’arrêté préfectoral de 2010) dans le cas où les effets de l’autorisation contestée sont de nature à affecter les conditions d’exploitation de ses propres installations (ici, les 2 centrales hydrauliques de la société Socardel). Il appartient au juge administratif de vérifier si le requérant justifie, à cet égard, d’un intérêt suffisamment direct pour demander l’annulation de l’autorisation contestée ;
  • que les deux centrales de la Socardel se trouvent installées au droit des microcentrales de la Shema, aux extrémités d’un barrage commun à Shema et à Socardel, de telle sorte que l’utilisation de la force motrice du cours d’eau par l’un affecte nécessairement l’activité hydroélectrique de l’autre. Au surplus, l’arrêté préfectoral de 2010 a prévu d’augmenter le débit autorisé de 4 m3/s de la Shema, le passant de 9 à 13 m3/s ;
  • que, dans ces conditions, sans avoir à examiner les autres arguments avancés par la société Socardel, celle-ci est fondée à demander l’annulation de la décision de la Cour d’appel de Nantes qui a rejeté sa requête.

Le Conseil d’Etat a donc renvoyé l’affaire devant la CAA de Nantes qui devra se pencher à nouveau sur cette affaire.

Commentaires

Indépendamment de la question de fond, que la CAA de Nantes aura à trancher et qui oppose deux entreprises concurrentes installées sur le même cours d’eau, le Conseil d’Etat rappelle qu’en vertu des dispositions combinées des articles L214-10 et L514-6 du code de l’environnement, un tiers n’est recevable dans sa demande d’annulation d’une autorisation que dans le cas où l’activité autorisée affecte par ses effets les objectifs protégés par la police de l’eau et, par exemple, l’exploitation par ce tiers d’un autre établissement industriel ou commercial. L’intérêt de ce tiers doit être suffisamment et directement affecté pour qu’il ait qualité à demander l’annulation de l’autorisation contestée, compte tenu des conséquences directes que présente pour lui l’activité autorisée, conséquences appréciées notamment en fonction des conditions de fonctionnement des installations, de la configuration des lieux ainsi que de l’état de la ressource en eau.

Cet intérêt à agir n’est donc pas admis en toutes circonstances. Il doit être suffisamment étayé et établi pour être retenu.